Alchimiste par essence

Alchimiste par essence

Article écrit par Michel St Germain en 1998 dans Elle Québec

Digne descendant d'ancêtres producteurs d'huile, Mikael Zayat met désormais I'onctueux liquide au parfum. Décoctions calmantes, énergisantes ou inspirantes... tout pour respirer la santé.

Derrière sa maison, au pied de la montagne de Bromont, Mikael Zayat baigne dans une lumière laiteuse. Penché sur un alambic artisanal - son creuset alchimique - il distille des branches ou des fleurs (pruche, verge d’or, sapin...), pour en extraire, au bas d’un serpentin, l’huile essentielle odoriférante, tonifiante ou reposante. Ses gestes lents et son regard d’enfant laissent croire que le temps, pour lui, échappe aux contraintes du monde.
Il adore la pruche, ce conifère au feuillage doux “comme l’amour d’une mère”, dont l’essence aide les gens à franchir les étapes parfois pénibles de la vie. Il en cueille volontiers à l’orée des bois, de même que du millepertuis, l’ « herbe de la Saint Jean » aux fleurs jaunes vifs et aux vertus antidépressives.
Dans son sous-sol aux murs blancs tapissés de livres, d’éprouvettes et de centaines de flacons bruns, il concocte des potions inédites qui serviront à apaiser les nerfs ou à adoucir la peau. C’est sa « cave à vins ». Nommez une essence, il y a de fortes chances qu’il en ait en stock, gràce à un réseau d’amis artisans, européens et nord-africains, qui lui envoient de l’eau de rose, de l’huile de niaouli, du beurre de karité.
Son nom de famille vient d’un mot arabe qui veut dire « fabricant d’huile ». Depuis 4000 ans que Damas existe, les Zayat ont pressé des olives. Émigrés en Égypte il y a un siècle (il faut lire Le Tarbouche, de Robert Solé), ils ont dérivé vers d’autres occupations. Mais c’est au Québec que Mikaël, arrivé en 1970 pour compléter une thèse en pédagogie, a découvert, émerveillé, les branches multiples de la médecine traditionnelle. Et, il s’est épris du pays.
Après avoir étudié auprès d’un Amérindien, puis, en France, auprès d’un Aromathérapeuthe, Mikaël Zayat a entrepris la distillation et la combinaison des essences de fleurs et d’arbres. Mais, au bout de 20 ans, son expérience n’est pas tant scientifique, que spirituelle et sensuelle. « Pour dégager la qualité des sentiments dans une lettre d’amour, il ne suffit pas d’analyser la qualité du papier et de l’encre... ».
C’est pas à pas qu’il parcoure son univers lumineux. Le pédagogue en lui déplore le manque de finalité de la culture moderne : « Nous sommes là en train de nous battre pour une place assise dans un autobus, sans nous demander s’il y a un chauffeur ni s’il sait où il va. En éducation, on parle souvent de moyens, rarement de finalité. Quelle intention avons-nous à travers tout cela ? J’espère que mes fils, qui ont 7 et 9 ans, vont se rapprocher de la vie plutôt que de la fuir dans le travail ou les drogues...
Il faut cultiver son jardin intérieur, et voir que chaque être humain est là pour partager. Nous ne faisons qu’un...».
Il ne fait pas mystère de ses racines spirituelles. Sa sérénité s’inspire de Saint François d’Assise et de sa prière : « Seigneur, faites de moi un instrument de votre paix. Là où est la tristesse, que je mette la joie...».
« Dans le corps humain, dit-il, l’alchimie se réalise par la joie.» Et comment devient-on joyeux ? « Il faut décider de l’être. A chaque instant. Essayez pour voir ! »